“We shape our buildings and afterward our buildings shape us,” said Mr. Churchill, addressing Parliament on the subject of plans for rebuilding the bombed-out House of Commons. He had a lot of good reasons for wanting to keep the British legislature just as it used to be—a rectangular chamber instead of a semicircular one, so that the dividing line between Liberal and Conservative could be marked by an aisle a man would think twice before crossing…
– The New Yorker, novembre 1943
On dit « Culture is everything », ou qu’elle précéde tout. Cet énoncé hiérarchisant, linearisant, peut nous aveugler sur ce qui produit la culture. J’ai déjà vu de nombreuses structures où les gens de bonne intention ce sont affrontés parce que la structure les a forcés dans des modèles d’interactions. Changer les gestes n’y suffit donc pas. Notre organisation et les processus qui régissent nos interactions sont également des causes de l’apparition de dysfonctionnements, de blâme, de créativité.
Dans cet article les raisons pour lesquelles ces structures sont mises en place ne seront pas abordées, car elles sont variées et souvent indépendantes du résultat de ces structures. On peut simplement garder en tête que l’enfer est pavé de bonnes intentions.
La classique tour d’ivoire, traditionnellement attribuée aux architectes mais qui peut être généralisée à n’importe quelle spécialité, voire personne, est une structure orientée pouvoir. À plus petite échelle, quand un tech lead prend la main sur la résolution des problèmes, les fusions de code, le design de nouvelles parties du code, on peut dire de la culture de l’équipe qu’elle est orientée pouvoir.
La structure orientee pouvoir centralise la responsabilité, mais aussi l’activité du design, privant ainsi cette structure de points de vue différents, et privant le reste de l’organisation de l’apprentissage qui rendrait à long terme son intervention plus pertinente. Une tour d’ivoire ne pourra transmettre qu’un modèle incomplet, et pourra difficilement éviter la perte due à la traduction de ses intentions lors de la réalisation. Le système résultant sera incompris lors de sa réalisation, frustrant à réaliser, et opposera les gens le subissant entre eux mais opposera aussi ces mêmes personnes et la tour d’ivoire. L’apprentissage pour les exécutants n’aura pas lieu, car l’écart entre les modèles mentaux à l’origine du design et la réalité sera inconcevable. Il leur manquera le point de départ. Il ne pourront que constater qu’ils n’arrivent pas à destination.
La structure de pouvoir, elle-même aveugle sur les écarts entre les concepts et l'implementation, jugera que les exécutants n'ont pas les compétences pour réaliser le plan, et renforcera la déresponsabilisation, et ce qui aura pour conséquence future d'augmenter la place du blâme : les architectes qui prennent des décisions hors sol, les exécutants incapables.
La séparation des responsabilités entre Devs et Ops, Métiers et Tech, UI et Dev, etc, prévient la possibilité de la partie de droite de mettre à l’épreuve la partie de gauche, et inversement. C’est une structure orientée bureautie, « chacun son métier et les vaches seront bien gardées », une forme de distribution du pouvoir, rationalisée, où chacun possède son pré carré, et où les responsabilités et l’intégration entre les parties sont prédéfinies.
La communication, sa quantité et sa qualité, est elle-même prédéfinie et structurée de façon à ce qu’une expertise « passe le relais à une autre ». Quand bien même chaque partie peut apprendre à mieux opérer dans son domaine, l’intégration entre les parties n’a aucune souplesse. Chaque groupe d’une même responsabilité a le pouvoir d’optimiser localement, mais le tout est condamné à s’organiser systématiquement de la même façon. Le système social est prédisposé à reproduire son modèle d’intégration sur le système technique.
Ne voyant pas ce qu’il se passe au delà de son pré carré, chaque partie pourra reprocher à l’autre de lui imposer des contraintes qui gênent leur travail. Les commerciaux qui bouleversent notre planning, le métier qui ne comprend pas ce qui est réalisable, les devs qui se fichent de ce qu’ils livrent en production, les ops qui nous empêchent de … La structure de communication ne permet pas la production d’un tout dont l’intégration entre les parties est optimisée de façon globale, et prévient aussi de fait toute émergence différentiante. La réaction de chaque partie sera alors d'augmenter le coût de la communication avec les structures amont en imposant des prérequis, et de réduire le coût de communication aval pour réduire l'énergie nécessaire à réaliser leurs tâches, ou en imposant un contrôle de la suite des opérations. Les processus gagnent alors en friction, et augmente leq difficultés à agir, ce qui aura pour conséquence de renforcer les mesures de contrôles, les mesures préventives et les prérequis à la collaboration, renforçant la culture bureaucratique.
Si vous avez déjà entendu du Beer Game, évoqué notamment dans la Cinquième Discipline, c’est typiquement ce qu’il s’y produit entre le producteur, le grossiste et le vendeur.
La co-construction de l’ensemble des concepts par un ensemble des représentants de « la chaîne de valeur » est une structure générative. Le résultat d’une telle co-construction est un alignement sur le langage, donc peu de perte de traduction, mais aussi un alignement le problème à résoudre, et sur les effets connus que les composants de la solution auront les uns sur les autres, donc une meilleure intégration. Elle est générative au sens où elle permet des émergences, c’est à dire des propriétés du système qui ne peuvent se manifester, exister, que part l’interaction entre certaines de ses parties.
Par exemple : la capacité d’un système à livrer un tout cohérent à tout moment, et satisfaisant pour l’ensemble de ses intervenants, résulte d’une coordination juste entre ces derniers, pas d’un effort démesuré d’un sous-groupe à se plier aux contraintes définies par un autre sous-groupe. C’est le résultat d’allers-retours pour ajuster une trajectoire, d’une négociation entre les contraintes pour qu’elles produisent un effet fonctionnel, et donc d’une quantité et qualité de communication adaptée et continuellement ajustée au besoin. Au vu de l’intensité de la communication entre les parties, la définition du périmètre sur lequel la structure agit sera une des clés pour qu’elle ne s’effondre pas sous l’information.
À la fin, la qualité du système dépend de la culture qui l’aura produite, qui elle-même dépend de la structure qui la nourrit.
"We get brilliant results from average people managing brilliant processes - while our competitors get average or worse results from brilliant people managing broken processes"